"Mai 68 ou le cinéma…" -2- (intermède de Mai)

(Voir blog du 29/5)

« (…)
Le nom de Dziga Vertov, mis en avant par le groupe, se veut clairement être une démarcation face au consensus des militants sur les films d’Eisensein. C’est aussi se situer par rapport à une référence historique:
-« Prendre un drapeau de façon nouvelle c’était, pour nous, non pas nous appeler Club prolétarien du cinéma ou Comité Vietnam cinéma, ou Panthères noires et blanches, mais groupe Dziga Vertov (…). Il fallait, nous cinéastes, nous situer historiquement et pas dans n’importe quelle histoire, mais d’abord dans l’histoire du cinéma ».
Le mot d’ordre du groupe Dziga Vertov (« faire politiquement des films politiques ») doit être compris d’abord comme le premier aboutissement ‘une recherche (le mûrissement des expériences brechtiennes des années 60), mais il faut également le resituer dans sa vigueur polémique, comme l’exigence d’une conscience de sa propre démarche contre celles, déjà évoquées, de la « fiction de gauche » et de certaines tendances du cinéma « militant ». La démarche du groupe Dziga Vertov consiste à penser l’organisation (formelle) du film en relation avec la ligne politique qui l’anime:
« Qui dit contenu nouveau, doit dire formes nouvelles; qui dit formes nouvelles, doit dire rapports nouveaux entre contenu et forme. »
(…) ».

Jean-Luc Godard est, fin 1968, à l’origine du groupe Dziga Vertov. Sa dissolution interviendra en 1972 (note du blog)

Riendetout, 31 mai 2008.

" Ousmane, je suis un grand pacifiste ! " – 43 –

« Allo Ousmane ? J’ai une bonne nouvelle pour tous les Africains. On va maintenant faire attention à ne pas tuer trop de monde avec les armes que nous leur vendons.Mon collaborateur qui s’active tant dans l’humanitaire est content. On va arrêter de fabriquer des roquettes M26, des armes à sous-munitions. Elles sont trop imprécises et n’explosent pas forcément lorsqu’elles touchent le sol.
Eh oui, bien sûr, tu as tout compris: elles font des dégâts chez les civils alors qu’il n’y a plus de guerre. J’en ai parlé récemment avec le président de l’Angola où il y en a des centaines de milliers qui parsèment son sol. Il faut que mon docteur, qui est très copain -comme moi d’ailleurs- avec les Israéliens, leur suggère de payer des indemnités à tous les Libanais qui meurent, ou sont gravement blessés. Blessés par ces centaines de milliers de sous-munitions qu’ils ont déversées sur ce pays, que je considère comme un bout de la France.
Mais attention! On va en fabriquer des plus modernes, plus efficaces et plus précises. Tous les pays qui ont signé cette convention sont d’accord là-dessus. Sans le claironner: il ne faut pas faire de la peine aux Organisations non-gouvernementales qui ont applaudi des deux mains cet engagement. Mes amis israéliens et étatsuniens n’ont pas signé, dommage! Je vais le leur proposer prochainement.Mais j’ai peur de les froisser. Tu penses, ils ont deux chefs en bout de course, usés.
Je devrais d’ailleurs leur demander de faire un effort en Palestine. Qu’ils entrouvrent quelques fenêtres, afin que les gens de Gaza, ce petit morceau de la Palestine, puissent respirer un peu. Tout en les surveillant de près, naturellement. Je leur ferai suivre les plaintes de Tutu, un pasteur sud-Africain. Ainsi que les commentaires d’un irresponsable de l’Onu. Celui-ci se demande s’il ne conviendrait pas de faire un procès aux Israéliens, pour crimes de guerre et crime contre l’Humanité! Bon, je sais, je sais. Beaucoup d’Africains pensent la même chose. Et probablement ton président Déby, qui ne me parle plus guère depuis que je l’ai sauvé. Et aussi ton papa… A propos, as-tu des nouvelles de lui? Sais-tu s’il est mort ou s’il se cache toujours? Parles-en à mes soldats et ils te donneront des bonbons, tu verras. Des bonbons, des espadrilles et des lunettes de soleil.
Ousmane, c’est la misère. Mes Français ne veulent absolument pas travailler plus de 35 heures! Alors, je ne sais plus comment leur donner du pouvoir d’achat. Mais j’ai deux collaborateurs magnifiques. Martin, qui se débrouille pour que personne ne meure , mal nourri, sans abri. Il devrait, je crois, leur fournir un téléphone mobile afin qu’ils puissent demander de l’aide à tout instant. Et j’ai mon Brice, celui qui renvoit tous les sans-papiers. Il essaie de le faire avec délicatesse. Mais il y en a qui résistent, alors, il faut un peu les pousser. Ne soies pas choqué. Mon Brice essaie en ce moment de convaincre tous les Européens de faire comme je le veux. Il a un bon argument, car c’est moi qui gouvernerai l’Europe Unie le mois prochain. Je fais le tour des grandes capitales, Pologne, Autriche. La semaine prochaine , je rencontre mon ami Berlusconi dont on dit tant de mal depuis des années! C’est un vieillard qu’on devrait un peu plus ménager. Rome, après Vienne et Varsovie, mon Europe est belle! Mon Europe chrétienne qui se penchera alors vers ceux qui ont faim.
Ousmane, je te rappelle que je prépare ainsi mon Union pour la Méditerranée, dont tu fais partie. J’y caserai tous les Africains quand j’en aurai fini avec mes travailleurs, venus de l’Est, qui sont prioritaires. Mais non, ce n’est parce qu’ils ont la peau blanche. Evite de faire du racisme, demande pardon à ton Dieu, qui doit être le mien, de t’égarer ainsi dans la haine. Moi, je te pardonne, tu es jeune, et inexpérimenté. Inexpérimenté comme cette Afrique qui traîne les pieds, des pieds hélas! nus, pour entrer dans le 21 ème siècle! Bon, j’arrête car je vais me mettre en colère. Bonne nuit. »

Riendetout, 30 mai 2008.

"Mai 68 ou le cinéma en suspens" (intermède)

C’est le titre d’un petit ouvrage édité en 1998 , par le Festival Résistances (Tarascon-sur-Ariège) et les Editions Syllepse à Paris.
Les auteurs: David Faroult et Gérard Leblanc.
———
On citera les premières lignes avant de revenir, plus tard, sur quelques analyses qui y ont trouvé place.

« Ce texte prend position dans un débat où l’on ne peut rester spectateur.Plusieurs approches contradictoires s’affrontent en effet dans certains milieux du cinéma après 1968, quant à la manière d’aborder l’articulation entre cinéma et politique.Il ne faudra donc pas s’étonner de voir soutenir certaines démarches contre d’autres, et encore moins de s’interdire de réagir en prenant d’autres positions.
Si ce texte pouvait raviver, à une petite échelle, des débats que certains, à tort,estiment caducs, je m’en réjouirais!
Comment ne pas voir qu’au nom du  » temps qui a passé », on a rabaissé le débat, renoncé à toute exigence théorique, et finalement laissé fleurir un empirisme défaitiste, inapte à imaginer autre chose que ce qui existe déjà. Certains des théoriciens les plus radicaux de l’après 1968 portent une lourde part de responsabilité, en occultant délibérément leurs positions de l’époque, y compris lorsqu’ils s’expriment sur les mêmes sujets.
(…)

Riendetout, 29 mai 2008.

" Ousmane, Versailles m’attend …" – 42 –

« Allo, Ousmane ? C’est dans la poche. Non, pas les OGM. Non, je pourrai bientôt regarder mes députés et mes sénateurs droit dans les yeux.Et les engueuler. Cela va se passer dans mon château, à Versailles, que je reconstruirai plus tard, avec toi, comme géomètre en chef. Pour des vieilles histoires , on voulait m’en empêcher. Enfin…c’est presque dans la poche, si tu veux. Comme ton papa-président du Tchad, je parlerai sans utiliser ce genre d’outil bizarre qu’on appelle chez moi un chef du gouvernement. C’est un peu comme un perroquet, le chef du gouvernement. Il ne fait que répéter ce que je dis pour obtenir les résultats que je veux. Car, tout est là: il me faut des résultats.
Ousmane, j’ai une bonne nouvelle pour toi. Quand je te conduirai au lycée d’Iriba, tout neuf grâce à moi, j’aurai dans mon sac Elvéaim’hache le film sur tes petits camarades du 20 ème arrondissement de Paris. Et il faudra qu’on le projette immédiatement car je veux répondre à leurs questions. Quel film? Tu ne regardes-donc pas la télé? Attention, je vais me fâcher ! C’est le film qui a gagné le gros lot au festival de Cannes. L’histoire de gamins comme toi qui causent, qui causent. Avec leur profs qui causent aussi beaucoup. Bref,un film très bien, très sympa. Tout ce qu’il montre, mon collaborateur qui s’occupe de l’éducation de ma jeunesse va le changer. C’est ça la réforme, la réforme: je n’arrête pas de le répéter…
Ousmane, toutes nos mamans vont bien. Larca qui chantonne en de moment dans la salle de bain. Et aussi Ingrid, bientôt là, quand on aura tué tous les terroristes colombiens qui la retiennent. Et Tzipi, qui m’a fait un grimgue pas possible pour la fête de mes amis Israéliens. J’ai compris qu’elle voulait que je l’aide à virer son chef du gouvernement pour prendre sa place! Elle va un peu vite, mais je ne sais pas si je vais résister.
Bon, je n’avais pas le temps de m’arrêter à N’djamena, la semaine dernière. Je pense que mes militaires sur place t’ont transmis les caramels. En tout cas, mon docteur qui revient du Liban, où je suis complètement largué par sa faute, me confirme que le nécessaire est fait. Mais avec lui, une sorte de zozoé, je m’attends à tout. Il a raté son déchargement humanitaire en Birmanie. Avec les Chinois, il fait gaffe.
Je vais t’envoyer le texto que mes deux grands chefs syndicaux mon adressé. Habiles les bougres ! Ils savent que je suis toujours au téléphone. Ils me supplient de garder quelques os d’un vieux truc qui a dix ans. Une loi qui fixe à 35 heures la durée hebdomadaire du travail. Ton papa connaît ça ? Sûrement pas! Ce n’est pas trente-cinq heures qu’il voudrait faire, mais le double probablement. Ce texto, tu le remettras à ton instituteur en lui demandant de le faire étudier par tes petits camarades. Tu lui dis que je le veux ainsi, il ne refusera pas.Qu’es-ce que je vais leur répondre, il me font de la peine mes chefs syndicalistes! Je vais les inviter à la Lanterne pour leur dire qu’on a plein de musée en France où les choses sont très bien conservées! Qu’est-ce que je peux faire d’autres ?…
Ousmane, bonne nuit.Je sais qu’il fait très chaud chez toi. Mais les nuits sont bien fraîches, m’avait rapporté mon docteur. Je dois rappeler mon grand garçon. Il va se marier, avec une riche héritière. Lui, il n’a pas attendu d’avoir cinquante balais, ni de présider un grand pays, même plusieurs pays bientôt. Oui, c’est moi, je t’ai déjà tout expliqué mais tu ne m’écoutes pas. Moi, ma génération, on était autrement. J’avais son âge au milieu des années soixante-dix. Maudite époque! Il a bien raison de rompre avec nos habitudes d’alors! Penses-y maintenant: il y aura des filles très riches à épouser au Tchad!  »

Riendetout, 26 mai 2008.

" Ousmane, je ne part plus, je reste ! " – 41 –

« Allo, Ousmane? Ouf! j’ai mes OGM dans mon assiette. Mes ouailles sont rentrées au bercail et ont bien voté. Demande à ton instituteur, quand tu le verras, s’il y a des ouailles dans son école. Ton président, mon ami Déby, devra faire adopter la même loi par ses députés, s’il veut avoir de quoi nourrir les Tchadiens qui ont faim.
Il faudra d’ailleurs que je le vois, mon ami. J’ai des ennuis avec mes collègues européens qui sont en train de désosser mon projet d’Union pour la Méditerranée. Ah, Ousmane, c’est terrible la jalousie. Et je sais de quoi je parle! J’avais prévu un grand avenir pour le Tchad dans cette Union que j’annoncerai officiellement le 13 juillet prochain. Avec mes belles lunettes de soleil pour emmerder tout le monde, je créerai un monde imaginaire autour du grand trou d’eau salée. Mais je tiendrai ma promesse: je te conduirai moi-même à la rentrée prochaine, au lycée d’Iriba qui portera mon nom, il le faut. Et j’attends des Soudanais du Darfour qu’ils honorent ce nom.
Ousmane, finalement, j’y pense, je devrais m’arrêter dès cette semaine à N’djamena pour mettre tout ça au point. C’est sur la route de Luanda où je passe une partie du prochain week-end. Avec ma Néfertiti, naturellement ! Pétrole contre avions et centrales nucléaire: on va discuter dur avec le vieux président Dos Santos . Oui, bien sûr, tu devrais savoir que Luanda est la capitale de l’Angola, un pays noir très riche, pas très loin de chez toi. Ousmane, tu ne travailles pas assez, pas assez de résultat !
Tu as vu à la télé ? Nous, on veut travailler beaucoup, beaucoup. Tout le temps. Plus de durée légale du travail, disent mes collaborateurs très enthousiastes. Certains font du zèle, ils sont braves, mes ronchonneurs. Ronchonneurs, ronchonneurs, bon tu verras…Mais toi, évite plutôt. Ils voient que j’ai de la peine. Que je ne pense plus qu’à gagner des contrats un peu partout pour enrichir mes amis. Car il n’y qu’eux, mes riches amis industriels, pour faire reculer le chômage!
On travaille beaucoup autour des réformes que j’ai fais voter lors de mon élection à la tête de la France. La réforme, c’est magique. C’est ce que je raconte partout où je passe. Ces jours-ci, je vais voir mes Français au travail. Ou au chômage, les pauvres. Facile pour l’ambiance: mes préfets et mes policiers sont vigilants. Ils piquent les banderoles des gens malintentionnés qui ne sont pas contents de moi. Du coup, ça fait de belles images à la télé et l’environnement y gagne beaucoup! C’est mon pov’ Borsalinoo qui est content.
Oui, c’est un nouveau droit que je crée en interdisant les pancartes et les banderoles lors de mes déplacements. Le droit d’avoir de belles images. C’est comme pour les familles. Je leur offre un droit nouveau. Elles pourront se plaindre des professeurs qui feront grève à l’avenir, des gens irresponsables prêts à abandonner les enfants. Des monstres, des criminels qu’ils faut dénoncer. Tu te vois, toi Ousmane, après une marche de plusieurs kilomètres dans la poussière et sous un soleil brûlant, trouver la porte de ton école fermée? Non, je pense que ton instituteur n’osera jamais faire grève. Pour ne pas déplaire à mon ami Déby,j’espère.
Ousmane, bonne nuit. Je dois appeler mon ami Bush qui s’apprête à passer à table. Je vais m’excuser des initiatives malheureuses que prend mon collaborateur expert en diplomatie stupide, à ma demande. Il a envoyé en Palestine, chez des terroristes, un vieil homme un peu gâteux pour leur demander d’être plus raisonnables. Bush m’a laissé un message, tout en finesse, comme d’habitude, ce que j’apprécie beaucoup. Il a dit que ce n’était « ni sage ». « Ni utile »: oh! là,il est dur ! Mais il sera à Paris dans quelques semaines. On fera la fête et tout sera oublié ! C’est mon parrain pour ma présidence à la tête de l’Europe. L’Europe, l’Europe, tu seras européen, Ousmane mon fils du sable. Un jour!  »

Riendetout ( une chronique qui ne figurera pas sur le prochain CD de Larca, « Comme si de rien n’était »). 20 mai 2008.

" Ousmane, il faut que je me tire !…" – 40 –

« Allo, Ousmane ? J’en ai marre, marre et marre ! je vais demander à mon ami Déby de me recevoir durablement dans ton beau pays, le Tchad. Il me doit bien ça. Oui, j’émigre…C’est déjà fait dans ma tête. Larca me déconseille l’Italie. Pourtant, mon ami Berlusconi est prêt à m’accueillir. Il y aura de la place en Italie, il va virer beaucoup de monde, alors que mon collaborateur Boutefeu peine à le faire en France. Boutefeu recherche le travail bien propre, sans d’ailleurs y parvenir!
Je ne sais pas pourquoi je te dis tout ça. La déprime, à nouveau sans doute. Voilà que mes propres députés, que j’ai fait élire, refusent maintenant que je leur parle directement, simplement, quand bon me semblera – il s’agit d’un projet – à l’Assemblée nationale. Un comble! Mon ami Déby ne tolérerait pas de tels moeurs, j’en suis sûr. Il aurait raison!
Ousmane, je suis encombré de cancres. J’en ai un, Borsalinoo, qui a été incapable de rameuter mes députés pour voter une loi sur les OGM. Demande à ton instituteur si mon ami Déby autorise les OGM. On avait trouvé une formule qui disait ni oui, ni non à ce mode de culture . Mais que faisait Borsalinoo, ces jours-ci, au lieu de me défendre? Il menaçait les alcolos au volant. On appelle ça un éthylotest, une forme de contrôle qu’il veut soudain rendre obligatoire. La belle affaire! J’espère que toi, au moins, tu ne bois pas. Pas d’alcool de riz, juré?
Ousmane, j’ai en face de moi un Indien, un Mapuche ou un Quechua, je ne me souviens plus. Il dirige un petit pays qu’il faudra que je visite un jour, l’Equateur. Il veut faire la révolution et tout redistribuer à ses braves compatriotes indiens… d’Amérique, je précise. Moi, je lui ai rappelé qu’il y avait plus urgent: m’aider à libérer mon Ingrid, dont je t’ai dit qu’elle se morfondait au fond de la jungle colombienne. Il peut m’aider car il est très remonté contre les militaires colombiens qui sont venus buter leurs rebelles, sur son sol! Lui et son pote vénézuelien, qui révolutionne déjà son pays, doivent m’aider. Je suis prêt à monter incognito dans leur avion pour aller chercher mon Ingrid. Mais, chut !…
Mon bon Docteur, lors de cette expédition? Non. Pour l’instant, il fait dans l’humanitaire, Birmanie, Chine. Il remplit des avions pour les malheureux sinistrés de ces pays. Mais il est trop vieux maintenant pour porter les sacs de riz. A la rigueur, des valises de vêtements. Non, il peaufine mon arrivée à la tête de l’Europe, à la fin du mois prochain. Il vend mon projet d’Union pour la Méditerranée. Un grand barrage contre les gens qui ont faim, pour les habituer à se prendre en main. Par exemple, en se levant tôt le matin. Tu n’oublies pas de te lever, j’espère?…Bon, il regarde où je pourrai installer cette Union. Tunis, Le Caire, Alger, Rabat. Et…N’djamena. Je l’ai déjà imaginé. Et ce sera plus facile, si j’émigre durablement chez mon ami Déby. Est-ce que j’ai l’air de plaisanter?
Ousmane, je pense bien à toi, à tous les bonbons que je t’ai promis. Mais je peux faire mieux. J’avais décidé, il y a longtemps, quand j’étais le patron du département le plus riche de France, de venir en aide au lycée d’Iriba. Tu connais Iriba? C’est près de la frontière soudanaise, à deux pas du Darfour. Puis, j’ai oublié, pris par tant de choses à faire. Cette fois-ci, c’est décidé, je vais m’occuper du lycée d’Iriba. Audacieux, très risqué, en ce moment. Mais j’ai beaucoup de mercenaires sur place pour me protéger. Ousmane, je te conduirai moi-même à ce grand lycée qui portera peut-être mon nom, à la rentrée prochaine. Si, en attendant, tu travailles bien et que tu pries Dieu. Plutôt le mien, mais tu es libre! »

Riendetout, 14 mai 2008.

Paysans-ouvriers … (intermède de Mai)

« LES PAYSANS DANS LA LUTTE DES CLASSES » Bernard Lambert, Editions du Seuil coll. P politique. 1970.

« CONCLUSION (page 186):(…)
Un mot enfin: plusieurs lecteurs, et notamment parmi les paysans, auront peut-être réagi à l’emploi d’un vocabulaire inhabituel – socialisme, précisément les forces capitalistes avec leur violence institutionnelle et légalisée à l’égard des producteurs. Ils risquent de subir leur condition d’exploités sans le comprendre, sans le combattre. Il leur faut rapidement découvrir la nature du combat qui peut mettre fin à l’oppression dont ils sont victimes. Et la prise du pouvoir ne sera pas le fait des seules paysans.
La victoire des travailleurs dépossédés des moyens de production – les prolétaires – suppose des affrontements: le capitalisme est une forme de production et d’organisation des rapports humains qui a une cohérence certaine et qui se défendra. En réalité, c’est ce système inégalitaire qui nous impose la lutte des classes.
(…)
———–
Sur le plateau du Larzac, en 1973, lors d’un des vastes rassemblements, auquel participaient les ouvriers de l’usine Lip, alors occupée, le paysan-travailleur Bernard Lambert prit la parole et s’écria notamment:  » Jamais plus les paysans ne seront des Versaillais. C’est pourquoi nous sommes ici pour fêter le mariage des Lip et du Larzac! »
———-
La vie militante de Bernard Lambert, mort accidentellement en 1984 (I), à 53 ans, est rapportée dans « Trente ans de combat paysan », aux éditions La digitale (1988). C’est le fruit d’un travail collectif sous la conduite d’Yves Chavagne.
(1)Serge Mallet -voir blogs précédents – est décédé de même dans un accident, en 1973, à 46 ans.

Riendetout, 13 mai 2008.

Quoi, il a écrit : "despote" …? (intermède de Mai)

LE DESPOTISME D’USINE ET SES LENDEMAINS.

–C’est le titre d’un des chapitres de « Critique de la division du travail », une série de textes choisis et présentés par André Gorz, édition du Seuil, coll. « P »Politique. (Nov. 1973).
André Gorz est l’auteur-même de ce chapitre. (page 101)

(Voir également blogs précédents, dont celui du 15 octobre dernier, où André Gorz parle du RSG (revenu social garanti ).

« (…)
Aussi n’y a-t-il pas lieu de se prononcer pour ou contre l’élargissement des tâches pris en lui-même. Dans la mesure où il brise le mythe de la nécessité technique objective d’une certaine organisation du travail; dans la mesure où il libère les ouvriers de l’oppression directe des petits chefs, de l’abrutissement et de l’isolement, il donne à la classe ouvrière des armes pour exaspérer les contradictions du capitalisme et aggraver ses difficultés.
Encore faut-il que la classe ouvrière apprenne à se servir de ces armes en liant d’emblée la lutte contre le despotisme d’usine et les tâches idiotes, à la lutte contre toute forme de domination et d’exploitation, à la lutte contre la « rationalité » de la production capitaliste.
Le pari des psycho-sociologues repose sur le postulat que le « travail bien fait », requérant intelligence, responsabilité et « créativité », porte en lui-même son propre sens, indépendamment de sa destination finale. Sans blague: peut-on trouver un sens et un intérêt au montage de téléviseurs quand les programmes sont idiots, à la fabrication de bombes à billes, de tissus jetables, de voitures particulières à obsolescence et usure rapides et qui stagneront dans les embouteillages?…
Quel sens a un travail dont le but dominant (l’accumulation de capital) n’en a pas? La contestation de l’organisation capitaliste du travail implique la contestation du système dans son ensemble. Ce n’est qu’en rendant cette contestation explicite et autonome qu’on empêchera la réduction et la récupération réformistes de la résistance ouvrière au despotisme d’usine. »

Riendetout, 10 mai 2008.

Quoi, il a écrit "double pouvoir " ?… (intermède)

OUI, LE POUVOIR ETAIT A PRENDRE !
C’est le titre de l’article de Serge Mallet,dans « Le nouvel observateur, en juillet 1968. On retrouve cet article dans « LE POUVOIR OUVRIER, bureaucratie ou démocratie ouvrière », publié aux éditions Anthropos, en mai 1971.

Extrait (page 99):
« (…)
Mais dans la mesure même où les grévistes se rendaient parfaitement compte que la continuation prolongée de la grève gênait gravement la population, la remise en route, sous le contrôle des travailleurs et de leurs organisations syndicales, des services essentiels à la vie sociale, était en train de de s’effectuer. Et le développement concerté de ce processus conduisait tout droit à des situations de double pouvoir.
A Nantes, à Caen, à Saint-Etienne, le préfet, isolé dans un bureau dans lequel le téléphone ne sonnait plus et gardé par les deux ou trois cents CRS disponibles dans le département, n’était plus, en fait, que le dérisoire symbole d’un ordre qui se trouvait remplacé par un autre.
La mise en place de ce second pouvoir avait la double vertu d’entraîner aux côtés de la classe ouvrière la majorité des techniciens et des cadres productifs et de conserver au mouvement la sympathie de la majorité de la population. Sans doute, les commerçants nantais dont les contrôleurs de prix à brassards rouges faisaient valser les étiquettes, voyaient-ils d’un assez mauvais oeil cette intrusion dans leurs affaires, mais les ménagères de toutes conditions, elles, s’en félicitaient.
(…) »

Riendetout, 9 mai 2008.